SICO (Solidaires des Israéliens Contre l’Occupation) : Après la défaite, l’autonomie, l’apartheid et finalement le transfert
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Après la défaite, l’autonomie, l’apartheid et finalement le transfert


En dépit des protestations de Sharon, le vote du Comité central du Likud le 12 mai par acclamation contre la création d’un Etat palestinien quel qu’il soit, a découlé logiquement et naturellement de l’opération " Mur de protection ". Lors de cette féroce incursion dans les zones palestiniennes, le Gouvernement Sharon pense avoir défait les Palestiniens une fois pour toutes et peut donc abandonner même l’idée d’un mini Etat palestinien. Il a trois bonnes raisons pour cela :

1. Jénine. Bien que les attaques israéliennes de mars-avril 2002 (hypocritement appelées " Mur de PROTECTION " se soient déroulées bien au-delà du camp de réfugiés de Jénine, C’est devenu l’élément central et le symbole de l’offensive israélienne pour " détruire l’infrastructure du terrorisme ". Pour Sharon, cela représente en fait la défaite finale de toute tentative palestinienne de résister à l’occupation. Les Palestiniens selon lui n’ont nulle part où aller. Leurs infrastructures sont détruites et vu le contrôle étouffant des îlots assiégés des zones A et B, ils ne pourront jamais se réorganiser. Il pourra encore y avoir des incidents isolés, mais le problème du terrorisme/résistance a été réduit à des dimensions qui le rend gérable.

2. Ramallah. Quoique la couverture médiatique de l’offensive contre Ramallah ait été bien moindre et ait principalement porté sur ce qui s’est passé autour du Quartier général d’Arafat, cette offensive ne représente rien d’autre que la destruction de la capacité de gouverner de l’Autorité palestinienne. A Ramallah, pratiquement toute l’infrastructure civile a été détruite - toutes les données des ministères, les hôpitaux, les cliniques, le bureau des cadastres, le système judiciaire et bancaire, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les instituts de recherche, même l’Académie palestinienne des Sciences. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec la " destruction de l’infrastructure du terrorisme " ? Rien. Mais pendant ce temps là, la lutte contre le terrorisme a toujours été une excuse bien commode pour maintenir l’occupation. Dans le vide créé par la destruction de la société civile palestinienne, l’Administration civile, c’est-à-dire l’administration militaire israélienne se met déjà en place. Les Palestiniens qui souhaitent quitter le pays doivent maintenant demander un permis spécial de l’Administration civile. Et nous ne devons pas oublier le " message " que les soldats ont laissé derrière eux : " Mort aux arabes " inscrit sur les murs avec des excréments, des excréments et de l’urine partout dans les bureaux et les maisons, la destruction gratuite de mobilier, d’équipement, d’objets d’art, de jardins et d’infrastructures.

3. Le Congrès américain. Le 2 mai, à la suite des attaques et en prévision de la visite de Sharon à Washington, le Congrès a voté à une majorité écrasante une résolution (94-2 au Sénat, 352-21 à la Chambre des représentants) soutenant la campagne d’Israël pour détruire " l’infrastructure terroriste " et attaquer l’Autorité palestinienne. La résolution a clairement montré pourquoi le Congrès américain est une " carte maîtresse ", lui permettant de défier la communauté internationale tout en se moquant des administrations américaines. Il se tiendra à côté d’Israël quoiqu’il arrive. Et il le fera pour de nombreuse raisons qui n’ont rien à voir avec la question même : la défense du dollar ; l’influence du lobby américain israélo-juif l’AIPAC et le droit des chrétiens, la perception d’un " héritage judéo-chrétien " commun, une phobie anti-arabe et anti-musulmane, la réduction des problèmes mondiaux à la lutte contre le terrorisme et une évidente ignorance. Le Congrès pour le moment paraît inébranlable.

Incarcération ou transfert : le plan après l’incursion

Comme la guerre de 1982 au Liban, qui a été également minimisée et s’est appelée une " opération ", l’" Opération Paix en Galilée ", l’Opération " Mur de protection " a des objectifs politiques qui dépassent de loin sa modeste dénomination de " protection ". Sous l’apparence de destruction de " l’infrastructure du terrorisme ", Sharon (et son partenaire volontaire Binyamin Ben-Eliezer, le chef élu du Parti travailliste) croit avoir atteint deux objectifs essentiels qui modifient fondamentalement la situation politique. A Jénine, il a détruit la capacité des Palestiniens à résister à l’occupation qui ne cesse de s’étendre. Et à Ramallah, il a détruit l’infrastructure de la société civile palestinienne, ce qui met les Palestiniens dans l’incapacité de se gérer eux-mêmes. Bien sûr, des " incidents " terroristes auront encore lieu occasionnellement, mais l’armée israélienne est engagée aujourd’hui dans des exercices de nettoyage. Elle entre dans les zones palestiniennes dans une impunité totale, avec à peine un froncement de sourcil de la communauté internationale.

Le gouvernement israélien croit avoir vaincu les Palestiniens une fois pour toutes. Il ne lui reste plus qu’à construire un type d’autorité qui permette à Israël de contrôler fermement Jérusalem et la Cisjordanie - de laisser les colonies telles quelles - et cependant de le débarrasser de l’administration directe des trois millions de Palestiniens des Territoires. Pour que cela soit acceptable par la communauté internationale, le programme de Sharon doit également prétendre offrir un semblant d’autodétermination aux Palestiniens. Les grandes lignes de ce plan ambitieux sont déjà en train de prendre forme sur le terrain. Le fait qu’elles aient été annoncées par l’armée est caractéristique de l’implication étroite des militaires dans la formulation de la politique israélienne. Bien qu’elle ne soit pas encore totalement définie, la stratégie qui émerge après les incursions comporte trois éléments principaux :

1. " Séparation ".
A première vue, la notion de " séparation " semble constituer une mesure de sécurité innocente. Elle comporte la construction d’une " zone tampon " massive qui s’étend le long de la ligne verte quelque 10 à 20 kilomètres à l’intérieur du territoire palestinien, là où Israël construit actuellement un énorme dédale de murs et de barricades en béton, de tranchées, de canaux, de fils de fer barbelés et électrifiés, de bunkers, de tours de garde, de caméras de surveillance, de passages et de plates-formes de sécurité. Tout en ayant un côté sécuritaire, la politique de séparation vise à délimiter les zones de Cisjordanie qu’Israël réclame. Cela empêche définitivement que l’épais couloir entre le bloc de la colonie d’Ariel et le Grand Jérusalem soit rendu aux Palestiniens, comme l’envisageait le plan Clinton. Cela place de grandes colonies de la partie occidentale de la Cisjordanie directement (et irréversiblement) dans les frontières de facto créées par les installations de sécurité - y compris Jérusalem, qui est actuellement isolé du reste de la Cisjordanie. La " séparation " constitue finalement une manière d’annexer environ 15 pour cent de la Cisjordanie sous prétexte de " sécurité ", en excluant de fait ces territoires de la négociation. La " zone tampon " militarisée n’est que l’un des éléments d’un système plus vaste qui permet d’intégrer des territoires, de même que la construction de l’autoroute trans Israël, et les routes de contournement qui relient les colonies.

2. " Division en cantons ".
L’un des résultats les plus dramatiques des incursions israéliennes est l’annulation des zones A, B et C, les éléments fondamentaux du processus d’Oslo. A leur place, une forme plus rationnelle de contrôle émerge, qui institutionnalise le siège des villes palestiniennes et transforme le système en un dispositif administratif permanent. Il a été effectivement mis fin au statut extra-territorial des zones A et B, censées être sous la juridiction de l’Autorité palestinienne. Les zones A et B seront remplacées par un système encore plus contraignant de cantons (appelés de manière euphémique et trompeuse " zones de sécurité " dans le langage israélien). Cette semaine, il a été annoncé que la Cisjordanie serait découpée en huit zones organisées autour des principales villes : Jénine, Naplouse, Qualqilya, Tulkarem, Ramallah, Jéricho, Betlehem et Hébron. Gaza sera divisé en trois zones. En plus des restrictions à la circulation des personnes, il est prévu que les marchandises palestiniennes soient transférées une à une vers des camions israéliens et des plates-formes situées de manière stratégique entre les villes palestiniennes, puis retransférées sur des véhicules palestiniens pour atteindre leur destination palestinienne. Les marchandises circulant entre Hébron et Jénine devront par exemple être chargées et déchargées quelque cinq ou six fois. Non seulement ces mesures violent le droit international garantissant la liberté de circulation dans les Territoires occupés, mais elle porte un coup dévastateur au commerce palestinien déjà virtuellement moribond.

La division en cantons exige également des restrictions de la circulation des Palestiniens qui rappellent les fameuses " lois de circulation " de l’Afrique du Sud. Les résidents palestiniens devront avoir un permis de l’Administration civile, en fait l’administration militaire israélienne, pour se déplacer entre les cités et les cantons à l’intérieur de la Cisjordanie et de Gaza. Les permis ne seront valables que pendant certaines heures (par exemple de 5 à 17 heures) et devront être renouvelés chaque mois. Comme le livret de circulation d’Afrique du Sud, ces permis internes emprisonneront les résidents palestiniens dans leur petit canton. L’Administration civile a également annoncé que les résidents de Cisjordanie des zones A et B n’auront pas le droit d’entrer en Israël (y compris à Jérusalem-Est), ce qui renforcera ce " bouclage " déjà asphyxiant.

3. Colonies et extension de l’autoroute trans Israël.
En plus des mesures militaires et administratives, Israël s’est toujours appuyé sur la " création de faits accomplis " pour rendre sa présence dans les Territoires occupés irréversible et pour neutraliser toute tentative de lui arracher le contrôle de ces territoires. Lorsqu’il a présenté son plan de division en cantons, le gouvernement a en même temps annoncé publiquement son intention de construire 957 logements dans les colonies de Cisjordanie, la plupart dans la zone du " Grand Israël ". Le moment choisi pour l’annoncer et la manière désinvolte, presque dédaigneuse d’en faire part alors que la communauté internationale s’efforce de geler la construction des colonies dans le cadre du Plan américain Tenet, montre à quel point Israël considère que ses activités sont en dehors de tout contrôle international. Et la construction d’un système de 480 kilomètres de routes de contournement qui relient les colonies à Israël tout en créant de nouvelles barrières à la circulation des Palestiniens continue imperturbablement.

Depuis que les Palestiniens ont été totalement défaits et pour Sharon, de manière définitive, il n’est plus nécessaire de faire semblant de se prêter à l’indépendance limitée pour les Palestiniens que prévoyait le " processus de paix " d’Oslo. Les incursions actuelles qui ont commencé à la fin mars ont détruit Oslo une fois pour toutes - un objectif essentiel de Sharon et de son prédécesseur/successeur Netanyahou. Nous sommes retournés à la notion d’" autonomie " formulée par le parrain de Sharon, Menachem Begin. C’est pour cela qu’a été créée l’administration civile en 1981 et qu’a été menée la guerre du Liban en 1982. Le choix des Palestiniens, pour dire les choses brutalement, mais c’est exactement cela, est entre l’incarcération et le transfert.

Le grand plan de Sharon (jusqu’à ce qu’il soit possible de mettre en oeuvre le transfert, c’est-à-dire qu’un Etat palestinien se créé en Jordanie) se dessine aujourd’hui sur le terrain de la manière suivante :

La Cisjordanie sera divisée en trois ou quatre cantons séparés selon les blocs de colonie et les routes israéliennes existant déjà. Un canton nord serait créé autour de Naplouse, un canton central autour de Ramallah et un canton méridional dans la région de Hébron, avec une éventuelle séparation de Qalkilya et de Tulkarem du reste. Chacun serait séparé des autres et relié de manière indépendante à Israël. Une route ou deux pourrait relier les différents cantons, mais les checkpoints et les magasins de stockage assureraient un contrôle israélien total. Chaque canton aurait une autonomie locale sous la supervision de l’Autorité civile.

Comme la communauté internationale pourrait demander un semblant (rien de plus) de système d’autodétermination pour les Palestiniens, Gaza deviendra l’Etat palestinien, probablement quand Arafat quittera la scène et qu’un dirigeant plus complaisant aura été trouvé pour signer cet arrangement. Si Israël subissait de fortes pressions pour faire davantage de concessions, il pourrait élever le statut des Palestiniens de la Cisjordanie de " résidents de cantons autonomes " à " citoyens " palestiniens sans mettre en danger son contrôle.

Israël pense-t-il que ce scénario est possible, que les Palestiniens vont se soumettre à un système d’îlots autonomes tronqués au lieu d’un Etat viable et véritablement souverain ? La réponse est " oui ". Vu les réactions internationales que l’on peut prévoir dans un avenir proche, Israël voit peu d’opposition réelle à ce dispositif - pourvu qu’il maintienne une sorte de " paix sociale " qui permettra aux Etats-Unis, à l’Europe et aux Etats arabes de vaquer à leurs occupations respectives. En dépit de quelques notes discordantes venant des ONG et de quelques Eglises, ainsi que de la communauté musulmane à l’étranger, dont l’influence a été largement neutralisée le 11 septembre) la communauté internationale a été très conciliante. L’incarcération et même le transfert semblent très plausibles à Sharon et à ses collègues. Malgré les protestations de Sharon, le vote du Comité central du Likud par acclamation le 12 mai contre la création d’un Etat palestinien sous quelque forme que ce soit découlait logiquement et naturellement de l’opération " Mur de protection ".


L’ICAHD, dont Jeff Halper est coordinateur, a lancé une campagne internationale de reconstruction des maisons palestiniennes : " Le Droit de vivre dans une patrie : 1000 rencontres pour reconstruire les maisons palestiniennes". Elle met à disposition de tous ceux qui sont intéressés des dépliants et vidéos informant sur la situation actuelle en Israël et en Palestine (www.rebuidinghomes.org/design ou www.icahd.org).

Sico, Solidaires des Israéliens Contre l’Occupation, s’est associé à la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine et à Amnesty International pour soutenir cette action de solidarité israélo-palestinienne et de lutte contre l’occupation.

 
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